10 avril 2018

Tristesse

Profonde tristesse.

Tu étais un père pour moi en BD. On a eu des échanges, verbaux et épistolaires, qui m'ont imprégnée et façonnée. 
Tu étais une référence depuis mon adolescence. Tout. Depuis Au Loup jusqu'au Génie des Alpages en passant par Jehanne au pied du Mur, Le Char de l'Etat et Les Aveugles. Alors que tu me faisais souvent rire, Les Aveugles ça m'a ému tellement !
On s'est croisés "en vrai" à Die, où tu dédicaçais et faisais l'affiche pour le Festival de la Transhumance. J'osais à peine te parler quand je bafouillais mes remerciements pour ta dédicace. Ensuite tu m'a invitée à venir boire un verre avec l'équipe du festival et on a commencé à discuter. On ne s'est pas lâchés pendant des années. Je te racontais ma vie quotidienne, mes soucis de dessinatrice. Tu rigolais, râlais, me donnais des coups de pied au cul. Et je découvrais ta culture immense ! Jusqu'à ce jour. 

Il a plu toute la journée.

Dargaud m'a téléphoné. J'ai vu le numéro français sur mon IPhone et j'ai tiqué. Bizarre. "Bonjour, c'est les éditions Dargaud." Depuis quelques mois, j'envoyais mon courrier et mes paquets à ton intention à leur adresse, vu que ta boîte aux lettres avait été cambriolée et que tu ne voulais plus que ça arrive là. 
Mon cœur s'est serré. Je t'avais envoyé un paquet il y a dix jours. Pour ton anniversaire.
La collaboratrice a dit : "Je suis désolée de vous annoncer ça. Richard est décédé."

Je suis sortie. Il y a eu une magnifique éclaircie.
Tu ne peux pas la voir.

La dernière fois qu'on s'est vus, c'est à Paris.
J'espérais toujours qu'un jour tu allais revenir par chez nous.
Après la dernière fois que tu es passé ici, tu m'a dis par sms (toujours cryptiques, tes sms, tu adorais ça) "j'ai adoré mon séjour. 10 jours de vacuité totale." Je crois que tu avais sauvé un bourdon cul blanc en le remettant sur le lilas en fleurs.
Tu vas manquer aux chats. Tu étais leur esclave préféré pour leur ouvrir la porte.

Je regarde autour de moi et tu es partout. Il y a partout des dessins de toi. Où transparaissait ta grande solitude, ta poésie et ton humour acide.

Putain j'ai mal.
Je t'imagine, dents serrés sur le tuyau de ta pipe. "C'est stupide de pleurer. Le mort, il est mort et les vivants, ils s'en foutent."
Oui Richard, mais tu me manques déjà.




O.